Orlan Tavera
Orlan Tavera est né en 2905 sur Saisei, dans le système Centauri. Il est le deuxième fils d'un couple de réparateurs indépendants, installés près des anciens quais de recyclage orbital, à la lisière des zones franches. Son père, discret mais passionné de mécanique, lui a transmis le goût du détail et de l'écoute silencieuse. Sa mère, ancienne technicienne chez Musashi Industrial & Starflight Concern, était connue dans leur quartier pour sa capacité à réparer un modulateur de communication tout en racontant une histoire captivante à deux enfants turbulents. L'équilibre entre ces deux figures a marqué Orlan dès l'enfance : entre rigueur et récit, entre le silence du vide et le poids des mots.
À dix ans, Orlan écoute plus qu'il ne parle. Il enregistre les conversations dans les coursives, capte des bouts de discussion sur les marchés, collectionne les fragments de journaux locaux qu'il annote à la main. Il ne rêve pas de devenir célèbre. Il veut comprendre. À 14 ans, il obtient une bourse partielle pour un cycle court de sciences sociales à l'université orbitale de Saisei. Il s'y passionne pour les systèmes de communication non institutionnels, les réseaux clandestins d'information, et les archives oubliées des systèmes frontaliers. Il ne poursuit pas le cycle complet, préférant embarquer dès 2924 comme opérateur audio dans un petit vaisseau documentaire.
Pendant près de six ans, il enchaîne les missions, d'abord comme technicien puis comme assistant de production sur plusieurs séries secondaires du Spectrum. Il collabore brièvement à l'émission "Empire Insight", où il réalise que la neutralité feinte des grands réseaux masque trop souvent les récits étouffés. En 2932, suite à un incident de censure interne qu'il refuse de commenter, il quitte les circuits officiels et disparaît du radar public pendant plusieurs années.
Ce n'est qu'en 2936, qu'il refait surface, avec un enregistrement publié sur un canal civil temporaire, depuis Borea (Magnus). L'émission improvisée s'intitule : All Stars, All Citizens (ASAC). La première version est artisanale, entre témoignages bruts et silences lourds. Orlan n'y parle presque pas. Il laisse la place aux autres. Il pose peu de questions. Juste les bonnes. En quelques mois, l'émission devient un phénomène discret, relayé par des relais communautaires dans tout le Verse.
Au fil des années, Orlan affine son approche. Il ne revendique aucune ligne éditoriale, aucun parti, aucun combat direct. Pourtant, ses silences parlent. Il donne la parole aux mécaniciens fatigués, aux veuves d'anciens pilotes, aux dockers désillusionnés de Lorville, aux rêveurs des zones vertes de Terra, aux enfants qui regardent les étoiles sans savoir ce qu'elles coûtent. Il interroge sans confronter, recueille sans exposer, transmet sans déformer. Il parle parfois de son passé, rarement de son avenir.
Aujourd'hui, facilement reconnaissable à son costume trois pièces blanc d'excellente facture, Orlan Tavera a 50 ans. Il vit entre deux sauts, à bord d'un luxueux Freelancer facilement identifiable à sa livrée blanche réhaussée de rouge et d'or. Il se refuse à dévoiler son itinéraire, par respect pour ceux qu'il croise ou simple désir de créer la surprise. Il voyage léger, avec son équipement de terrain, quelques vieux enregistrements, et un carnet abîmé où il note les noms de ceux qu'il ne veut pas oublier. Il ne signe aucun contrat, ne répond à aucun appel institutionnel. Et pourtant, All Stars, All Citizens est écoutée chaque semaine par des dizaines de milliers d'oreilles anonymes, dans les cargos, les stations, les zones perdues. Parce que dans la voix d'Orlan, il n'y a ni filtre, ni stratégie. Seulement une volonté douce, mais tenace, celle de faire exister ceux qu'on ne prend pas la peine d'écouter...